Chercher un texte Amstramgram

Vous devez vous connecter pour accéder à cette fonctionnalité

Me connecter M'inscrire gratuitement

Novae - Une fin des temps: Excursion lagustre Public
Nouvelle Aventure dégrad Exploration petit saut Tourisme

La route qui mène au lac de Petit Saut est un long bandeau rectiligne qui part de la nationale 1, peu après Kourou pour plonger à une soixantaine de kilomètres au coeur de la jungle amazonienne. Le trajet est relativement rapide, mais il suffit de s'arrêter quelques minutes en bord de route et de faire quelques pas vers les immenses arbres de la forêt pour ressentir l'intensité de son isolement. La chaleur est étouffante et gorgée d'humidité. On sent son corps se couvrir en quelques secondes de fines gouttelettes, sans savoir s'il s'agit de l'humidité ambiante ou de sa propre sueur. Vos premiers pas vers la forêts déclencheront les cris d'alarme des oiseaux sentinelles, les fameux kikiwi, suivi d'un silence profond, couvert uniquement par le bruissement de millions de feuilles agitées par un vent dont vous ne ressentez pas le souffle au niveau du sol. De temps en temps, un craquement, un petit cri lointain vous rappelleront que vous n'êtes pas seul, mais il vous faudra une longue attente étouffante pour surprendre le moindre animal sauvage.

Seuls les insectes ne sont pas inquiétés par votre présence. Les colonnes de fourmis légionnaires continueront leur chemin et si vous pensez entendre approcher les pales d'un hélicoptère, baissez la tête, il est probable qu'un scarabée gros comme le poing soit en approche. Le choc pourrait vous assommer!

Dans leur véhicule, Karin et Mathias étaient bien à l'abris. Ils profitaient d'une atmosphère sèche et bien fraîche fournie par la climatisation du véhicule. Leur conversation se poursuivait lorsqu'ils virent, en fin de ligne droite, surgir une ombre des bois. Un petit homme courait vers le bord de la route en agitant frénétiquement ses bras en l'air. L'homme les attendit là où la route se rapprochait le plus de la forêt, bordée de part et d'autre de deux profonds fossés creusés par les pluies torrentielles dans la latérite, cette terre rouge qui recouvre le socle granitique de l'Amazonie. Il portait en bandoulière une vieille sacoche en cuir râpée et déformée par les années qui semblait être son seul bagage. Il était vêtu d'un pantalon en jeans rapé, coupé au couteau juste au dessous des genoux. De très petite taille... Et une chemise en coton, qui devait avoir été blanche à une époque. De petite taille, il était rasé de près et arborait une fine moustache et des cheveux en bataille tombant sur une peau tannée par le soleil.

Mathias s'arrêta à sa hauteur et lui dit bonjour par la fenêtre du véhicule, sans déverrouiller les portes, prêt à redémarrer en cas d'urgence. L'homme lui répondit en portugais par de longues phrases dont Karin ne comprenait pas un mot. Mathias le fit monter à l'arrière tandis que l'inconnu se confondait en remerciements, tout en fouillant au fond de son sac.

Il en sortit une boulette de papier, qu'il déplia prudemment pour y faire apparaître des grains de sable couleur jaune et rouille.

- C'est un orpailleur, expliqua Mathias à Karin. Il s'est fait contrôler par la police à Sinnamary. Ils l'ont emmené à Cayenne pour des vérifications, puis l'ont relâché là bas hier. Maintenant, il essaye de rejoindre son camp à pieds. Il ne parle pas français. Il se méfie des autorités qui les contrôlent au moindre prétexte. Alors quand il a entendu un bruit de moteur, il s'est caché dans le sous-bois. Mais comme nous n'avons pas de gyrophare, il est venu à notre rencontre et m'a supplié de l'emmener à Petit Saut où il devrait trouver une pirogue.

- Il a dit tout ça en si peu de temps?

- C'est ce que j'ai compris. Il veut nous payer, mais j'ai refusé. Mais il insiste pour nous donner un peu d'or. Tu en veux?

Le brésilien tendait les quelques grammes du précieux métal vers Karin, lui répétant la même phrase en portugais.

- Accepte, qu'on en finisse! Lui intima Mathias. Je les connais, quand ils ont une idée en tête, impossible de leur faire changer d'avis. Et il ne faudrait pas non plus le vexer!

Une vingtaine de minutes plus tard, une forte odeur d'oeuf pourrit envahit l'habitacle du véhicule.

- Nous arrivons, indiqua Mathias, avant de bifurquer sur une petite voie goudronnée à sa gauche.

- C'est quoi cette puanteur? Demanda Karin.

- Nous sommes à proximité du barrage de Petit-saut. Derrière ces arbres, il y a l'usine. Et il semblerait que le vent, aujourd'hui, soit dans la mauvaise direction. Il nous apporte les odeurs des brasseurs d'eau en aval du barrage. Ce sont des piquets en acier et des cascades artificielles qui servent à ré-oxygéner l'eau de la rivière et à en extraire le méthane et le sulfure d'hydrogène. Tu comprendras le problème en voyant le lac, si tu viens pour la première fois.

La voiture atteint une sorte de parking désert, occupé uniquement par une vieille roulotte perchée sur un petit talus à sa gauche. Elle était couverte de mousses et de lichen, et entourée de détritus divers, allant de la carcasse de voiture aux ossements d'un petit animal. Sur la droite, ils passèrent devant une voie en pente, ombragée par le petit bois d'arbres gigantesques qui séparaient le parking des berges du lac. Elle menait, après une vingtaine de mètres de goudron truffé de nids de poules, à un embarcadère de fortune où se pressait une foule bigarrée de brésiliens, saramaca et quelques baroudeurs blancs, affairés autour d'un véhicule tout terrain tentant de grimper en équilibre sur deux longues pirogues arrimées entre elles par quelques planches et des cordes.

- J'hallucine! Dit Karin, ils comptent traverser le lac en équilibre sur ces trucs pleins de fuites?

- Si la voiture coule, ils ne la récupéreront jamais. Il y a plus de 50 mètres de fonds par endroits. J'aurais pensé qu'ils emprunteraient la barge, dit Mathias en stationnant le véhicule. Elle passe une ou deux fois par semaine...

Les voyant sortir accompagnés d'un des leurs, une dizaine de clandestins sortirent du bois pour rejoindre la petite foule autour des pirogues et lui prêter main forte, ou bien venir à leur rencontre et les saluer en portugais.

- Obrigado, obrigado tout le monde! Leur lançait Karin.

Sur le dégrad, on leur indiqua où placer leur voiture pour l'abriter du soleil et éviter qu'elle ne se fasse voler ses roues avant leur retour. Dizou, depuis sa roulotte, garderait un oeil sur elle, ravi que ses nouveaux clients lui aient commandé deux de ses célèbres poulets frites aux dimensions surréalistes.

Edouardo n'était pas encore arrivé, ils l'attendirent deux bonnes heures sur le bord du dégrad observant et aidant parfois, à ce manège surréaliste. Les deux pirogues prirent enfin leur route, l'eau au ras du rebord, transportant leur précieux chargement vers un lieu inconnu de la jungle.

- Je n'aimerais pas être le propriétaire de ce Land-Rover... Dit Mathias. Apparemment ils en ont besoin pour rallier un site de l'autre côté et la barge a déjà deux jours de retard. Alors ils ont décidé de faire avec leurs propres moyens... On va certainement les rattraper, si Edouardo arrive un jour...

Alors qu'il tenait ces propos, surgit de derrière les berges aval du lac, une vieille pirogue en bois de 5 mètres de longs, glissant silencieusement sur l'eau clapotante.

- Bin le voilà... finit Mathias.

- J'aurais dû mettre un maillot de bain, ajouta Karin. Il a de l'eau jusqu'aux genoux... Tu crois vraiment qu'on pourra traverser le lac à bord de ce bout de bois?

- Faut espérer...

Arrivé à un mètre du dégrad, Edouardo sauta de l'esquif et l'arrima à un tronc de bois mort.

- Salut les amis ! Les salua-t-il chaleureusement. Vous avez vu comme elle est belle? J'ai eu du mal à la retrouver! J'ai eu de la chance! Si elle avait complètement coulé, je n'aurais jamais pu la ramener!

Edouardo expliqua que la pirogue qu'il devait initialement emprunter, s'était fait voler la veille, il était arrivé tôt ce matin et avait passé la matinée à négocier pour finalement se faire prêter cette vieille, mais non moins pittoresque, embarcation. Une bouteille de rhum avait dû être sacrifiée dans les tractations.

- Vous savez ramer j'espère? Parce qu'il faut qu'on arrive avant la nuit, plaisanta-t'il.

Le visage de Karin se décomposa. Je savais que c'était un mauvais plan, se dit-elle. Hésitant entre éclater de rire ou remballer ses affaires dans la petite clio.

Commentaires

Aucun commentaire trouvé.

Rédiger un commentaire
Afficher/cacher
Attention! Votre commentaire ne sera visible qu'après modération.

Rédiger un commentaire
Nom ou pseudonyme affiché dans le commentaire.
Ce champ est obligatoire et doit être alimenté avec le texte, en majuscule, contenu par l'image ci-contre.

Nous contacterNos auteursConditions générales d'utilisationPlan du site Suivez-nous

©L'écrivin