Novae
Une fin des temps

 Ca n'aurait pas dû se passer comme ça.
Il y a eu ce point de lumière, de plus en plus intense qui est apparu à côté du soleil. Entre le 10 et le 12 septembre 2025. Pendant quelques jours il s'est intensifié, si bien que la Terre semblait éclairée par deux soleils, un grand et un petit.
Au bout de quelques semaines, le point lumineux a disparu.
Ce phénomène n'était pas inconnu, il avait été observé par de nombreux astronomes autrefois. Il s'agissait d'une Nova, un phénomène astronomique à la fois rare et spectaculaire. C'était une chance d'en observer une de son vivant. Une chance?

La communauté scientifique passa en quelques heures de l'euphorie, à la panique. Elle communiqua les résultats de ses calculs aux plus hautes instances gouvernementales et internationales. Les émissions de télévision, les flux vidéos et autres streamings étaient inondés d'interviews de vulgarisateurs scientifiques, d'astronomes, d'astrophysiciens émérites, mais surtout d'astrologues, de prédicateurs en goguettes et gourous en puissance.
Le millénarisme refaisait surface, et on nous resservait à cette nouvelle sauce les calendriers mayas sur la fin du monde.

Le problème était que cette explosion, contre toutes les prévisions et calculs réalisés auparavant, se produisait beaucoup plus près de la Terre que prévu. Nous savions qu'une Nova avait provoqué une extinction de masse sur la Terre il y a 2,8 millions d'années. Déclenchant des perturbations au niveau de la ionosphère de la planète et la profusion d'isotopes radioactifs venus de l'espace en quantité trop importante. Les effets sur la biomasse avaient été relativement limités, mais certaines espèces plus fragiles avaient disparu. Cette explosion s'était produite à 150 années lumières de notre système solaire, une distance réputée sans danger, la distance de sécurité étant estimée à environs 25 années lumières, à moduler en fonction de paramètres complexes mêlant la force des vents solaires, la masse de l'étoile mourante etc..
Cette nouvelle explosion se produisait à 15 années lumières de notre Soleil, dans un secteur où aucune étoile mourante n'avait pourtant été détectée auparavant par les nombreux observatoires et satellites astronomiques scrutant l'infini de l'Espace.

Une percée scientifique venait donc d'être faite par la découverte de notre première étoile vagabonde (rogue star), rendant galvaudée l'étymologie 'planêtês' pour les planètes, qui n'étaient plus les seules errantes de l'Univers.

La proximité de cette explosion mettait en danger notre civilisation, et ses effets se feraient ressentir dans un peu plus que 15 années. Il fallait absolument que les gouvernements du monde entier se préparent et anticipent les effets de cet événement.

Ce furent 15 années de chaos et de gâchis. Les populismes avaient déjà le vent en poupe. Après avoir accusé pendant des siècles les juifs de tous les maux de l'humanité, puis les noirs ou simplement les étrangers, puis les journalistes, puis les juges, ils tiraient désormais à boulet rouge sur les scientifiques dont le seul objectifs aurait été de semer la panique au sein des populations pour obtenir plus de crédits et de pouvoir.
Aux climato-sceptiques succédèrent les nova-sceptiques selon lesquels les effets potentiels de cet événement étaient exagérés, que les scientifiques n'étaient pas tous d'accord, ce qui prouvait le manque de rigueur de leur travail, ou bien que nous étions l'espèce préférée de Dieu et que la nature se remettrait certainement facilement de cet événement.
Par ailleurs, construire des bâtiments à l'épreuve des radiations, faire des réserves alimentaires pour les années qui allaient suivre l'événement était inconcevable et économiquement suicidaire. ON avait déjà du mal à gérer le flots de réfugiés climatiques et les guerres qui éclataient un peu partout sur la planète en raison de la disparition des terres arables.
Tous ces détracteurs de la communauté scientifique, étrangement, constituaient dans le plus grand secret, des réserves de nourritures, et se faisaient bâtir de confortables abris antiatomiques.
Il suffisait de regarder les cours de la bourse, des matières premières et des entreprises de construction militaire pour voir qu'il se passait quelque chose, mais que cela n'allait pas être au service du plus grand nombre.

Lorsque les première vagues atteignirent la Terre, en 2053, le ciel se nimba de magnifiques aurore boréales d'un pôle à l'autre. Elles furent visibles de jour comme de nuit. Mais seule les populations les moins richissimes ou n'appartenant pas à des services de sécurité profitèrent du spectacle. Les autres s'étaient réfugiées dans leurs abris.
Les alarmes des sites nucléaires hurlèrent toutes en même temps. Le taux de radiation dépassait les maximales tolérées sur toute la planète. La plupart des médias relayèrent un message rassurant selon lequel ces radiations naturelles étaient sans danger si on lavait bien ses légumes et évitait de consommer certains produits comme les champignons. Mais ils se turent rapidement. Tout comme les alarmes des centrales nucléaires coupées manuellement car leur chanson n'avait plus de sens.
Les choses empirèrent considérablement quand la tempête magnétique qui accompagnait ce flux d'énergie radioactive détruisit la plupart des systèmes électroniques et informatiques non protégés.
La plupart des états et des entreprises disposaient de systèmes de secours placés dans des bunkers secrets, mais ils ne purent tenir la charge face à une pane généralisée à l'échelle mondiale. Le black-out aurait été anecdotique s'il n'avait duré si longtemps.
Une à une, les centrales électriques tombaient. Malgré tous les efforts déployés, sans réseau électrique, sans électronique opérationnelle, les centrales nucléaires enchaînaient les incidents, puis les catastrophes.
Au bout de quelques jours, on ne comptait plus les réacteurs en fusion. Leur radioactivité s'ajoutait à celle arrivée de l'espace. Le chaos régnait sur toute la planète. L'homme revenait à l'Etat sauvage. Les survivants pillaient les hangars, pillaient les magasins. S'entre-tuaient. Quand les réserves accessibles disparurent, ils partirent en quête des bunker des populations privilégiées qui s'étaient mises à l'abris. Ils les pillaient systématiquement, mettant à mort leurs occupants, ou se faisant massacrer par des occupants mieux préparés qu'eux.

Le chaos dura dix années, puis cessa.

Les réserves des privilégiés étaient épuisées depuis longtemps. Les survivants étaient si peu nombreux que tandis que certains consacraient leur temps à chercher d'autres survivants, d'autres s'attachaient à remettre en place cette humanité décimée.
La tempête magnétique avait cessé, il était donc à nouveau possible de faire fonctionner les systèmes électroniques épargnés.

Bill Baroude, Siegfried André

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